Ça fait maintenant une semaine que je me suis installée à la prison et je commence à peine à me retrouver dans mes affaires. Ma chambre est dans un désordre effroyable, étonnant que Philippe supporte mes boîtes et tout mon fatras. En tout cas je ne l’ai pas entendu se plaindre … J’ai décidé de prendre ça plus relax que la dernière fois. La dernière fois je me donnais à fond, j’étais bombardée de rendez-vous. Je n’ai pas envie que ça arrive. J’espère, cette fois, que d’autres psychologues compétents se joindront à l’équipe. Toutefois, la santé mentale des prisonniers, ça ne semble pas être la priorité du nouveau propriétaire de la prison. Non, pour l’instant, je me limite à un rendez-vous le matin, et trois l’après-midi. Et puis, en gérant trop de dossiers en même temps, je risque de perdre le contrôle. Et je ne dois surtout pas le perdre. Depuis que je suis là, je me suis créée une petite routine visant à me protéger de Jefferson. J’ai vu son nom, dans les fiches des prisonniers. Alors soyez sûrs que je me tiens loin du couloir des prisonniers. Je ne vais à la cafétéria qu’à des heures épouvantables et même, souvent, je vais chercher ma nourriture directement à la cuisine et j’emmène le tout dans ma chambre. Je ne veux absolument pas le croiser. Je ne veux pas qu’il sache que je suis revenue. Pas maintenant. Je ne suis pas encore prête à le revoir après ma tentative ratée de prise de contrôle il y a un peu plus d’un an.

Je coince mes dossiers sous mon bras, tiens mon café d’une main – décaféiné, il faut bien commencer quelque part – et pousse la poignée de la porte de mon bureau. Mon rendez-vous s’y trouve déjà, visiblement mal installée sur sa chaise. Je lui adresse un sourire poli, pose mes choses sur mon bureau et vais écarter les rideaux de la fenêtre. Premier rendez-vous de la journée. Geste routinier.

-Ravie de vous revoir, Clairval.

Je me retourne vers elle. Elle était déjà passée dans mon bureau. Aujourd’hui c’est un rendez-vous de routine. Le transfert d’une prison à une autre peut troubler un prisonnier. Sincèrement, je ne crois pas que cette femme soit très troublée par ça. Elle est plus forte que beaucoup, de ce dont je me souviens d’elle.

- Je crois me souvenir que vous n’aimez pas qu’on vous appelle par votre prénom. Je ne fais pas erreur, j’espère.

Je tire ma chaise, m’y installe. Mon bureau est en ordre. C’est un véritable miracle. C’est le seul endroit que je tiens en ordre. J’ai une petite pensée pour ma valise, que je devrais penser à vider dans mes tiroirs. Mes vêtements à plier. Ce pauvre Philippe qui va finir par se perdre dans mes classeurs. Ceux-ci, verrouillés, contiennent tous les dossiers de mes patients, que je devrais faire transférer dans cette pièce, d’ailleurs. Si Philippe n’est pas trop occupé, je lui demanderai de m’aider à le faire, ce soir. Nous pourrions faire connaissance en même temps. Jusqu’à maintenant nos conversations ont été plutôt sommaires.